L'ART ET LE THÉ
07 Avril 2024 | par Maison de thé LUPICIA | 1. À la découverte du thé | 3. Autour du Japon,
Depuis longtemps, le thé a conquis le cœur des hommes, au point d’en devenir la quintessence même de l’art. Dès lors, comment pourrions-nous définir le rapport entre le thé et l’Art moderne ? La réponse est simple : le thé jouit de la liberté apportée par l’art.
L’univers du thé et celui de l’art, une rencontre non dénuée de charme.
À l’instar de sa consommation coutumière devenue par la suite la très codifiée « cérémonie du thé », le thé n’a eu de cesse d’inspirer le monde artistique. Dans les années 1970 et aujourd’hui encore, de nombreux artistes d’art contemporain ont revisité la cérémonie du thé avec des œuvres et des happenings qui se plaisent à bousculer les codes établis.
TOM SACHS
Artiste plasticien américain né à New York le 26 juillet 1966.
Basé à New York et réputé pour ses reproductions de Monet, Tom Sachs dépeint la société actuelle à travers différents thèmes tels que les produits de luxe ou encore les produits technologiques comme les fusées de la NASA. La série « Tom Sachs et la cérémonie du thé » regroupe des œuvres qui nous dévoilent le monde sous un prisme nouveau. Les bols à thé faits main, les ustensiles ainsi que la chashitsu (salle dédiée à la cérémonie du thé) incarnent la notion de la « beauté imparfaite » dans toute sa splendeur : le wabi-sabi, notion typiquement japonaise.
À travers ses créations, Tom Sachs réaffirme le rapport inhérent entre la société moderne et la tradition.
> Cérémonie du thé vue par Tom Sachs.
> À GAUCHE. Cérémonie du thé. À DROITE. Small Chawan Cabinet, porcelaine anglaise (Photo de Jeanne Greenberg).
RIRKRIT TIRAVANIJA
Artiste contemporain né en Argentine en 1961.
Cet artiste thaïlandais, travaille, quant à lui, à l’échelle mondiale. Il est réputé pour ses œuvres ayant pour thématique les « interactions » au sein de la société. L’exemple le plus probant est celui dans lequel, dans une galerie d’Art, l’artiste cuisine et sert aux visiteurs du pad thaï (nouilles sautées) ou du curry, examinant ainsi « l’interaction » entre son public et lui dans un contexte artistique.
Il s’est aussi amusé à réinventer le chashitsu (pièce où l’on procède à la cérémonie du thé). Lors de l’Okayama Art Summit de 2016, son œuvre « Untitled 2016 » représentait un labyrinthe fait à partir de tuyaux en fer et de miroirs dans lequel était aménagée une chashitsu. À force de tâtonnements et après plusieurs tentatives, le visiteur finit par atteindre cette salle. Ce processus reflète sa rencontre même avec une culture étrangère et inconnue.
> Labyrinthe de bambous et shachitsu érigés sur le rooftop de la National Gallery de SIngapour (Photo de Pilar Corrias).
MORI MARIKO
Artiste contemporaine japonaise née en 1967 à Tokyo et lauréate du 47ème prix d’excellence de la biennale de Venise.
Cette artiste crée un monde unique en associant les croyances antiques et la cosmologie moderne. Son « Sha -An », l’espace qu’elle a agencé dans son appartement du centre-ville vise à transcender les frontières spatiales et temporelles. Les jonctions entre les murs et le sol sont aménagées de manière à être arrondies. En donnant l’illusion d’un foyer sphérique, l’intérieur grisâtre confère un sentiment de quiétude absolue aux invités. La saveur du thé les transporte dans un monde dans lequel ils ne font plus qu’un avec le maître de maison. Dès lors, le potentiel spirituel du thé se libère et évolue en art moderne.
Une maison de thé à Tokyo
« J'ai commencé à pratiquer l'art des rituels du thé en 1997, car je voulais en apprendre davantage sur l'esthétique japonaise. La maison de thé est un lieu où les gens ne font qu'un grâce à la cérémonie du thé. Je vois le rituel du thé comme un acte de purification de son esprit et de partage de sentiments de consolation avec les autres. J'ai réalisé la sensibilité de la culture japonaise après avoir quitté le Japon. Quand je suis au Japon, tout est japonais, donc tout est dilué et on ne trouve pas d’éminence au Japon. Lorsque j’ai déménagé dans d’autres pays, j’ai remarqué à quel point la mentalité japonaise est particulière. »
Rituel de la culture japonaise, la cérémonie du thé vise à purifier l’esprit, et est intégrée à l’apprentissage du zen, une branche du bouddhisme japonais. Elle est depuis des siècles représentée dans la pratique artistique du pays. Mais, comme le souligne Mariko Mori, elle illustre également par certains aspects la dimension machiste de la société, et la question de la place des femmes. Dans Tea Ceremony, présentée en 2018 au Nezu Museum de Tokyo, l’artiste se met en scène servant le thé dans une tenue associant les codes d’une employée de bureau et ceux de la représentation des aliens. Les hommes installés autour d’une table, en réunion, l’ignorent, dans une attitude condescendante. L’artiste poursuit alors cette performance dans les rues et interpelle le public sur une question qui dépasse la sphère professionnelle. « C’était une forme de manifestation », explique Mariko Mori.
> Happenings de l'artiste MORI MARIKO "Tea ceremony".
YASUMASA MORIMURA
Artiste contemporain japonais né à Osaka en 1951.
Cet artiste est spécialisé dans le détournement de peintures ou de photographies en substituant son visage à celui de portraits célèbres. En 1985, il s'introduit ainsi dans une série d’autoportraits de Vincent Van Gogh. Une façon d'interroger les relations artistiques entre le Japon et l'Occident à partir de l’ère Meiji.
Ses inspirations sont variées et vont d’illustres peintres qui ont marqué l’histoire de l’Art tels que Vermeer ou Monet, en passant par des icônes de la culture pop telles que Marylin Monroe, Michael Jackson ou encore Mishima Yukio. À travers ces célébrités, le regard unique que pose Morimura Yasumasa sur le monde est connu même en dehors du territoire japonais.
> Sélection de portraits dérounés par l'artiste YASUMASA MORIMURA (Van GOGH, Frida Kahlo (Hand Shaped Earring), Marilyn Monroe, Monna Lisa.
Une vie autour du thé
Chez Morimura Yasumasa, le thé est une histoire de famille, nous l’avons interrogé sur la corrélation entre les artistes représentatifs du Japon et le thé.
Morimura Yasumasa a grandi dans l’univers du thé depuis sa tendre enfance par le biais de sa famille qui tenait une maison de thé non loin de la gare Tsuruhashi, à Osaka. Le thé fait pour ainsi dire partie intégrante de sa vie, et ce depuis toujours. « J’exagère un peu en disant ça, mais on peut dire que je suis né dans le thé. On ne buvait non pas de l’eau mais du thé chez moi et c’était normal pour accompagner les pâtisseries. » nous confie-t-il.
La bâtisse qui servait de maison de thé existe aujourd’hui encore, même après la fermeture de cette dernière. À Kitakagaya, Osaka. On peut retrouver au « Morimura@Museum », le musée qu’a ouvert l’artiste. Le bâtiment est une ancienne usine de meubles rénovée. Dans le magasin sont alignées des boîtes de thé qui étaient utilisées chez mes parents.
> Musée de l'artiste YASUMASA MORIMURA situé à Kitakagaya, Osaka.